Une oreille seule n’est pas un être

Création sonore, jeu : Claudine Simon ; Livret : Bastien Gallet ; Comédienne : Manon Xardel ; Design sonore : Vivien Trelcat ; Créateur lumière (en cours)

Commande du Festival Printemps des Arts

Première le 2 avril 2026, Monaco

… La musique est une partie du théâtre. La “mise au point”, ce sont les aspects qu’on remarque. Le théâtre, ce sont toutes les différentes choses qui ont lieu en même temps. J’ai remarqué que la musique est d’autant plus vivante pour moi quand l’écoute par exemple ne m’empêche pas de regarder.

John Cage, Silence, 1961

Un piano de concert attend son interprète. Tout est prêt pour le récital. La pianiste fait son entrée, salue le public, s’approche de l’instrument.

Mais, avant de jouer, avant de s’asseoir devant le clavier, avant de frapper le premier accord, il lui faudra ausculter le piano-roi, détailler les méandres de sa mécanique, suivre la ligne qui mène du doigt à la corde, l’énergie qu’un corps transmet à un autre et quel autre corps, imaginaire celui-là, sonore avant d’être musical, nait de ce jeu qu’il faut recommencer soir après soir. Il lui faudra l’ouvrir, y plonger ses mains, en jouer autrement, oublier les touches, pincer directement les cordes, y ajouter accessoires et appareils, le faire muter, mettre en scène et en sons le monstre derrière le roi.

Car, avant d’être un instrument, le piano est une machine qui répercute et amplifie le geste, transmet et transforme, galope et foudroie autant qu’il murmure et gazouille. Une machine à former les corps indociles : écarter les doigts, arrondir les voûtes, affermir les muscles, dresser les postures. Moins un instrument qu’un ensemble complexe et mouvant de normes et d’attentes, d’ordres et de fantasmes, de contraintes et de désirs.

C’est cette histoire que raconte Une oreille seule n’est pas un être : celle du piano en tant que corps et imaginaire, comment il matérialisa un ordre musical spécifique (le tempérament) et survécut à son effondrement, comment il fut sans cesse détrôné et réinventé, augmenté jusqu’à en devenir méconnaissable (électrique puis électronique) mais toujours présent et agissant, charriant avec lui un répertoire qui continue de hanter notre monde.

Bastien Gallet